Préambule
La Confédération Française pour la Promotion Sociale des Aveugles et Amblyopes (CFPSAA) et l’ensemble de ses membres se situent dans une approche par les droits fondamentaux. Le droit à la scolarisation est consacré dans plusieurs conventions internationales signées et ratifiées par la France comme celle des droits des personnes handicapées (articles 7 et 24), celle des droits de l’enfant (article 23), mais aussi dans la loi n°2005-102 du 11 février 2005 (articles 19 et 20) et ses prolongements du 26 juillet 2019.
La loi « pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » du 11 février 2005 indique que le droit à l'éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, est un droit fondamental.
Depuis, les gouvernements successifs ont contribué à l’amélioration de l’accueil des enfants en situation de handicap et ont développé le principe d’une école inclusive qui vise à assurer une scolarisation de qualité pour tous les élèves, de la maternelle au lycée, par la prise en compte de leur singularité et de leurs besoins éducatifs particuliers.
Le souhait partagé d’aller vers une école inclusive de qualité ne doit pas s’opposer à l’idée d’une souplesse et d’une diversité dans les parcours des enfants déficients visuels. Si cela correspond à l’intérêt de l’enfant, le passage par un enseignement spécialisé de qualité peut s’avérer indispensable.
Notre conviction est que l’école inclusive ne peut se construire qu’en coordination entre les différents partenaires et intervenants auprès de l’enfant déficient visuel et de sa famille.
développement des sens de compensation, le travail sur les représentations mentales, l’optimisation du potentiel visuel, le travail sur l’autonomie du déplacement et des actes du quotidien, l’apprentissage du braille et l’utilisation des aides techniques et des nouvelles technologies…
Aujourd’hui, les parents d’enfants déficients visuels veulent être informés et parties prenantes dans la construction du parcours scolaire de leur enfant et bénéficier de l’accompagnement proposé par des services aux compétences reconnues à proximité de leur domicile. Or, à ce jour il existe de grandes disparités territoriales dans les réponses apportées : absence totale ou réponses insuffisantes dans certains départements. Ce défaut de maillage territorial dans les dispositifs existants a pour conséquence que certains enfants perdent toute chance de bénéficier des accompagnements et apprentissages de qualité indispensables à leur autonomie et à leur réussite scolaire et sociale.
4 demandes prioritaires :
Un meilleur maillage territorial pour l’accompagnement et la scolarité des enfants déficients visuels
Près de la moitié des départements sont dépourvus de services d’accompagnement médico-social pour jeunes déficients visuels. Nous demandons à ce qu’il y ait un service d’accompagnement pour jeunes déficients visuels par département (métropole comme Outre-Mer) ;
Nous demandons que ces services soient dotés de professionnels qualifiés et experts garantissant l’autonomie des jeunes déficients visuels à savoir : instructeurs pour l’autonomie des personnes déficientes visuelles, orthoptistes, ergothérapeutes, transcripteurs-adaptateurs de documents, informaticiens spécialisés, psychomotriciens, enseignants spécialisés (CAPPEI, CAEGADV ou CAFPETADV 1), mais aussi de tous les outils et équipements nécessaires aux divers apprentissages.
Enfin, nous demandons que ces services aient une capacité d’accueil suffisante
pour les enfants et les jeunes déficients visuels du secteur afin de leur permettre
d’être accompagnés dès que le besoin est repéré et sans attendre des délais de plusieurs mois voire de plusieurs années sur certains territoires (suppression des listes d’attente).
La collaboration entre l’école, le secteur médico-social et le secteur sanitaire
Elle est la clé d’un parcours scolaire fluide et adapté apportant toutes les chances à l’enfant ou au jeune ayant des besoins éducatifs particuliers.
Afin de répondre à leurs besoins spécifiques, l’accompagnement du parcours scolaire des jeunes déficients visuels nécessite une grande technicité dans les pratiques et supports pédagogiques, l’accès aux ressources documentaires et numériques, les matériels adaptés, les accompagnements médico-sociaux et sanitaires (développement des sens de compensation, rééducation et réadaptation
1 CAPPEI : Certificat d’Aptitude Professionnelle aux Pratiques de l’Education Inclusive
CAEGADV : Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Général des Aveugles et des Déficients Visuels CAFPETADV : Certificat d'Aptitude aux Fonctions de Professeur d'Enseignement Technique aux Aveugles et Déficients Visuels
visuelle, ergothérapie, techniques de locomotion et de vie journalière, apprentissage du braille, adaptation des documents, maîtrise des outils numériques…). Le recours à ces professionnels connaissant l’enfant et ses problématiques (fatigabilité et perte d’efficience par exemple) est prioritaire. L’Éducation Nationale ne peut y répondre seule et doit nécessairement s’appuyer sur des partenariats entre les équipes éducatives et enseignantes et les équipes du secteurs médico-social (SAAAS, PCPE, Equipe Mobile, pôle inclusif…) et sanitaire (ophtalmologistes, orthoptistes, opticiens basse vision…). C’est la condition absolue permettant que chaque enfant dispose des supports pédagogiques et du matériel adapté, récent, suffisamment puissant (pouvant supporter les logiciels adaptés) et fonctionnel dans les temps, afin de lui éviter un retard d’accès aux connaissances et donc un retard d’apprentissage. Il est par ailleurs indispensable que ce temps lié à la compensation du handicap soit suffisant, programmé et s’articule au mieux avec le temps scolaire.
Des enseignants et des personnels spécialisés et formés sur tout le territoire et en plus grand nombre
Même si nous fondons des espoirs dans les travaux en cours autour d’un décret de coopération ARS/Éducation Nationale, les enseignants spécialisés sont actuellement en nombre bien trop insuffisant avec des départs à la retraite non compensés. Il faut donc investir significativement dans la formation initiale et continue des enseignants spécialisés voulant travailler auprès des jeunes déficients visuels, en insistant sur la formation autour du braille et des outils numériques, en métropole comme en Outre-Mer. Une unification des diplômes spécialisés sous l’égide du ministère de l’Éducation Nationale serait souhaitable.
Par ailleurs, si les AESH (Accompagnants d’Élèves en Situation de Handicap) peuvent apporter une aide complémentaire dans les situations complexes liées à des troubles associés, ils n’ont pas les compétences des professionnels d’accompagnement spécialisés dans la déficience visuelle que l’on retrouve dans les services d’accompagnement dédiés tels que les SAAAS et SESSAD. Laisser croire que l’attribution systématique de cette aide humaine permet de pallier tous les autres manques en termes d’accompagnement et de compétences spécifiques n’est pas acceptable.
Favoriser l’apprentissage précoce du braille
La scolarisation commence dès la maternelle et les premiers apprentissages sont cruciaux, tout particulièrement l’apprentissage précoce du braille, incontournable pour les enfants aveugles, gravement malvoyants, ou risquant la cécité du fait de leur pathologie. Le système braille renvoie au principe de l’alphabétisation, c’est-à-dire à la capacité d’apprendre à lire, écrire, calculer, lire et composer de la musique, à acquérir des outils pour comprendre le monde : le braille permet donc aux enfants et aux jeunes d’accéder en toute autonomie à la lecture de textes et de documents ainsi qu’à l’écriture. Ce système est en outre parfaitement adapté à l’outil informatique et devient de ce fait un outil de communication entre déficients visuels et voyants.
Cela nécessite une mise à niveau des capacités académiques d’enseignement du braille (intégral comme abrégé) et un déploiement plus important des enseignants spécialisés notamment dans les CAMSP DV (Centres d’Action Médico-Sociale Précoce pour Déficients Visuels).
Cela nécessite également de favoriser dès l’école pré-élémentaire la discrimination tactile par le jeu ou encore l’intégration dans les programmes scolaires d’une information sur le système d’écriture braille pour tous les élèves.
Conclusion
La CFPSAA formule une demande précise : une école ouverte à la différence, consciente de ses compétences et de ses ressources, soucieuse de travailler en collaboration étroite avec les spécialistes de la déficience visuelle d'une part, de services bien répartis sur le territoire et correctement dotés d'autre part.
Cette école respectueuse des valeurs de la République permettra à tous ses enfants d’accéder à l’éducation et de devenir des citoyens à part entière dans une société véritablement inclusive.
Liste des membres de la CFPSAA :
Associations des Donneurs de Voix, Association Nationale des Maîtres de Chiens Guides d’Aveugles (ANMCGA), Association Nationale pour les Personnes SourdAveugles (ANPSA), Association des Parents d’Enfants Déficients Visuels (APEDV), Accompagner Promouvoir et Intégrer les Déficients Visuels (apiDV), Association Valentin Haüy, Association Paul Guinot, Braille et Culture, BrailleNet, Fédération des Aveugles et Amblyopes de France, Fédération Française des Associations de Chiens guides d’aveugles (FFAC), Fondation La Cause, Les Auxiliaires des Aveugles, Retina France, Société de Promotion Sociale (SPS), Fondation des Aveugles de Guerre, Union NAtionale des masseurs-Kinésithérapeutes Aveugles et Malvoyants (UNAKAM), Voir Ensemble.