L’année 2024 a marqué les trente années de Gilles Bouancheau au Club de cyclotourisme yonnais (CTY) de La Roche-sur-Yon (Vendée). Mais également, les quarante ans de son handicap. « À l’âge de 24 ans, je suis devenu malvoyant à cause d’une dégénérescence du nerf optique  » , explique le cycliste. Pendant dix ans, « c’était un peu compliqué, je ne faisais plus de sport et je déprimais un peu. »

Jusqu’à sa rencontre en 1994 avec Paul Olivier, alors responsable de l’association des malvoyants de La Roche-sur-Yon, depuis décédé. « Savoir que je pouvais pratiquer une activité physique, ça a changé les perspectives. Faire du sport avec un handicap, ça se passe à 70 % dans la tête », affirme Gilles. « Bon, et un peu dans les jambes aussi », ricane Pierre, l’un des pilotes du tandem.

En tout, ils sont quatre à se relayer dans le club pour piloter le vélo à deux places. Cette organisation permet à Gilles de pouvoir rouler toutes les semaines. Contrairement à ses coéquipiers valides, il est dépendant de la disponibilité des autres pour pratiquer son sport.

« On pourrait le laisser guider »

L’enjeu est de réussir à se coordonner sur les emplois du temps, mais aussi sur les routes. « Gilles, c’est un descendeur alors que moi, je suis un monteur. Des fois, il nous dit qu’il n’a pas assez pédalé. Mais c’est normal, en côte c’est moi qui fais tout », taquine Bernard, pilote pour cette session du 1er novembre. « Le plus dur, c’est le démarrage et les demi-tours. Mais il y a aussi nos pratiques individuelles. Personnellement, j’ai pour habitude de poser le pied gauche quand je m’arrête. Mais il faut qu’on le fasse tous les deux, sinon c’est la cata. »

Après 30 ans, Gilles est confiant : « Je connais toutes leurs habitudes. Mais aussi, tous les circuits ! » Information validée en chœur par les autres cyclotouristes : son gros point fort, c’est le sens de l’orientation. « Des fois, il connaît tellement bien les routes qu’on pourrait le laisser guider », s’amuse Bernard.

Sport et handicap visuel, « ce n’est pas toujours facile »

Pour cause, les membres de la CTY se réunissent toutes les fins de semaine pour des parcours d’environ 80 km. « Si je n’y vais pas pendant 15 jours, je commence à déprimer », avoue l’habitué. Si les randonneurs effectuent de longs trajets, ils le font à leur rythme. Reste quelques esprits compétiteurs dans la bande. Dont le tandemiste, qui « veut toujours connaître les moyennes, c’est bien son seul défaut », rigole l’un des binômes.

Au fil des années, le passionné a cumulé les kilomètres. Comme un Paris-Brest-Paris, soit 1 240 km, ou plus récemment, le parcours de 480 km « Ensemble à Paris » au départ de La Roche-sur-Yon. « Ce qui est bien dans ces moments-là, c’est qu’on est entouré par plein d’autres cyclistes. C’est quand même plus sympa », sourit Gilles. 

Au CTY, il est le seul malvoyant. Retraité l’année prochaine, le cyclotouriste aimerait profiter de son temps libre pour développer la section aux déficients visuels. Un projet « à long terme », qui nécessite des moyens financiers. Un tandem est onéreux, celui de Gilles vaut 9 000 €. Il ajoute : « Mais surtout, il faut plus de cyclistes prêts à s’engager dans la discipline. Trouver un sport lorsqu’on a un handicap visuel, ce n’est pas toujours facile. »

Ouest-France 

Héloïse COLLARD. 

Publié le 16/11/2024 à 17h07 

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