Les enjeux pour la France et l’UE

L’échec de la loi de 2005 est alarmant. Il l’est d’autant plus que la France tarde depuis de longs mois à transposer 3 la Directive (UE) 2019-882 du 17 avril 2019 - exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services. Ce retard s’inscrit dans un contexte marqué par le manque d’engagement de la France sur la question de l’accessibilité numérique.
Au lieu de renforcer ses ambitions, le Gouvernement les révise régulièrement à la baisse.

En effet, la circulaire du 17 septembre 2020 prévoit que, d’ici 2022, le critère « accessibilité numérique » ne s’imposera qu’à 80 % des 250 démarches administratives en ligne les plus utilisées par les Français. Quid des 20 % restants et des autres sites ? La même circulaire rappelle que, depuis février 2020, un audit d’accessibilité avec un taux de conformité à hauteur de 75 % 3 permet d’obtenir l’agrément nécessaire pour toute création ou refonte de site internet de l’État. Là encore, pourquoi pas un taux plus élevé sachant que le Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA) vise à garantir la « lisibilité » de l’information ?

Le 6 septembre 2021, le ministère de la transformation et de la fonction publiques, s’est fixé comme objectif de rendre 39 % (seulement) des démarches numérisées accessibles aux personnes en situation de handicap (à 75 % seulement) en fin d’année 4.

Le résultat de cette approche minimaliste a été épinglé en septembre 2021 par l’Organisation des Nations Unies qui appelait la France à respecter les engagements pris lors de la ratification de la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et, pour y parvenir, à modifier totalement sa conception du handicap. Plus récemment, la France a été mise en demeure par la Commission européenne car elle a passé la date butoir de transposition, fixée au 28 juin 2022.

Ces rappels à l'ordre, qui stigmatisent notre pays sur la scène internationale, font suite à l’intervention de la Défenseure des droits, Claire Hédon, soulignant les « écarts importants » entre l'ambition affichée du Gouvernement et l'effectivité de la mise en œuvre des droits 5.

Un sursaut s’impose donc pour :

  • créer une société numérique inclusive en tenant compte des vulnérabilités ;
  • développer de nouveaux marchés en veillant à ce que la relance profite à tous ;
  • œuvrer pour faire de l’UE un territoire numérique, souverain, fondé sur des valeurs.

 

Cette mobilisation nécessite l’adoption d’une loi ambitieuse consacrée à l’accessibilité numérique transposant l’ensemble des dispositions de la directive 2019-882 relative à l’accessibilité des produits et services, en veillant à les compléter en tant que de besoin (inclure, notamment, l’accessibilité des appareils électroménagers).

Il est aujourd’hui nécessaire que cette transposition ait lieu afin de garantir l’inclusion numérique des personnes en situation de handicap. La loi nouvelle devra se référer aux enjeux concernés : inclusion des personnes en fracture numérique, accès à l’éducation, à la formation professionnelle et à l’emploi des personnes en situation de handicap, accès aux soins, liberté d’exercer sa profession, création d’emplois d’avenir, innovation made in France, développement de nouveaux marchés favorisant la relance, souveraineté numérique, transition écologique…

Parce que l’échec incontesté de la loi de 2005 nuit gravement à 20 % des Français ainsi qu’aux intérêts stratégiques de notre pays, l’association Valentin Haüy demande au Gouvernement et aux élus de la République, de respecter son obligation de transposition des directives européennes et d’accompagner l’adoption d’une loi globale réformant en profondeur l’encadrement de l’accessibilité numérique en prévoyant un dispositif transparent, un organe de contrôle et des sanctions dissuasives.

 

 


3 - La transposition aurait dû intervenir au plus tard d’ici le 28 juin 2022; l’effectivité est fixée au 28 juin 2025.
4 - « point d’étape » du ministère sur la numérisation des 250 démarches essentielles à la vie quotidienne des Français.
5 - En ratifiant la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées en 2010, la France s'est engagée à garantir leur effectivité. Pourtant, 10 ans plus tard, le Défenseur des droits publie un rapport qui pointe des lacunes persistantes.