Le champ visuel, grand oublié de la déficience visuelle

1/ La PCH, une prestation indispensable pour les personnes déficientes visuelles

Née de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, la PCH (Prestation de compensation du handicap) a succédé, pour les personnes dont le handicap a été reconnu après 2005, à l’ACTP (Allocation compensatrice tierce personne).

  • La PCH se décline en six volets qui représentent autant de besoins à couvrir : l’aide humaine, l’aide technique, l’aménagement du logement, l’aménagement du véhicule, l’aide exceptionnelle ou spécifique et l’aide animalière (les chiens guides par exemple).
  • La PCH est attribuée si et seulement si la personne présente « au moins deux difficultés graves ou une difficulté absolue », d’après un questionnaire rempli, en ce qui concerne les personnes déficientes visuelles, par le médecin traitant et l’ophtalmologue. Autre condition : pour les personnes de plus de 60 ans, il faut avoir été reconnu porteur de handicap avant cet âge ou être encore en activité professionnelle.
  • Une réforme de la PCH est en cours. L’association Valentin Haüy saisit cette opportunité pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur l’absence totale de prise en compte du champ visuel dans l’attribution du « forfait cécité » de la PCH.

 

2/ Le champ visuel : état des lieux

2.1/ De nombreux troubles liés à une pathologie du champ visuel non pris en compte pour l’attribution de la PCH

En dehors de l’acuité visuelle, seul critère entrant en ligne de compte dans l’attribution du « forfait cécité » de la PCH, il existe un grand nombre de pathologies oculaires entraînant des déficiences du champ visuel. Parmi les principales, on trouve :

  • La rétinite pigmentaire : elle touche à la fois l’acuité et le champ visuel qui se rétrécit peu à peu. Seul demeure parfois un « îlot central » de 10 ° à 5 °, n’offrant qu’une vision par un petit « trou de serrure ».
  • La maladie de Stargardt : elle entraîne la perte progressive du champ visuel central associée à des taches (scotomes) éparses dans le champ périphérique. Les personnes concernées éprouvent beaucoup de difficultés à lire, écrire et se déplacer.
  • Le glaucome : il entraîne une perte progressive du champ visuel commençant en périphérie et progressant graduellement vers le centre pour affecter la globalité du champ visuel.
  • La DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge) : elle engendre un déficit du champ visuel central qui entraîne une situation de malvoyance « modérée ou sévère ».

Les déficits du champ visuel sont très invalidants, que ce soit la perte de vision centrale ou la perte de vision périphérique.

Ces maladies peuvent apparaître après 60 ans mais aussi chez des sujets beaucoup plus jeunes. Elles évoluent souvent vers une très grande malvoyance ou vers la cécité.

 

2.2/ Les troubles du champ visuel ne donnent pas nécessairement droit au « forfait cécité » de la PCH

La législation française définit comme aveugle toute personne dont l’acuité visuelle est inférieure à 1/20eaprès correction de l’œil qui voit le mieux. En-dessous de ce seuil, la personne aveugle a droit au « forfait cécité » au titre de la PCH.

Contrairement à la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui prend en compte les deux critères, l’acuité est donc seule prise en compte en France, à l’exclusion du champ visuel. De très nombreuses personnes, dont l’acuité est considérée comme « correcte » mais dont le champ visuel est minuscule (10° à 5° parfois), se retrouvent ainsi privées du « forfait cécité ».

 

2.3/ De grandes disparités sur le territoire dans l’attribution de la PCH

La décision d’attribution ou non de la PCH revient aux Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ou des Maisons départementales d’autonomie (MDA) selon les appellations en cours dans tel ou tel département. Plus précisément, elle est prise en leur sein par la Commission départementale d’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).

Or, on constate une grande disparité d’une structure à l’autre, d’un département à l’autre, dans l’attribution ou le refus d’attribution de la PCH. Certaines personnes, dont la demande a été jugée recevable par une MDPH, doivent se soumettre à un réexamen de leur nouvelle MDPH à la suite d’un déménagement, par exemple. Et la seconde fois, c’est parfois un refus qui tombe.

 

3/ Nos préconisations

3.1/  Inclure le champ visuel dans l’attribution du « forfait cécité »

Il est particulièrement injuste qu’une personne puisse être aveugle au plan médical sans être considérée comme tel au plan social. Il en va de la compensation légitime d’un handicap qui touchera, avec l’allongement de la durée de vie, un nombre croissant de personnes. Ce financement leur permettrait de mener à bien des tâches de la vie quotidienne et de mieux assumer les déplacements, notamment dans des lieux inconnus.

Au-delà, il s’agit d’aider les personnes aveugles et malvoyantes à développer leur autonomie et à continuer à avoir une vie personnelle, sociale et citoyenne.

 

3.2/ Assurer une cohérence nationale dans la politique des MDPH

Des disparités subsistent d’un département à l’autre en dépit de l’action de la CNSA (Caisse nationale pour la solidarité et l’autonomie) qui coordonne l’action des MDPH. Le fait de statuer sur les anomalies de champ visuel dans l’attribution du « forfait cécité » permettrait une politique cohérente au sein des MDPH.

 

3.3/ Faire tomber la « barrière d’âge » de 60 ans

De manière générale, il convient de revenir à l’esprit de la loi de 2005 qui prévoyait de faire tomber, dans un délai de cinq ans, la « barrière d’âge » de 60 ans. Quinze ans après, nous constatons que c’est le même régime qui prévaut : ne peuvent bénéficier de la PCH que les personnes dont le handicap visuel a été reconnu avant 60 ans ou celles qui peuvent prouver que leur handicap a commencé avant 60 ans ou celles qui sont encore en activité professionnelle.

Or, avec l’allongement de la durée de vie, notre société comptera de plus en plus de personnes dont le handicap visuel survient après cet âge, notamment celles touchées par une altération du champ visuel. Beaucoup de personnes parvenant à l’âge de la retraite ne disposent plus des moyens financiers suffisants pour assumer des charges nouvelles.

Par ailleurs, cette menace sur l’autonomie des personnes a évidemment des répercussions sur la problématique du maintien à domicile.