Coup de projecteur sur la résidence autonomie à travers la parole de deux bénéficiaires

Le centre résidentiel Valentin Haüy situé rue Petit à Paris, abrite dans un même ensemble immobilier deux résidences-services indépendantes. L’une est destinée aux retraités déficients visuels désirant vivre chez eux, en toute autonomie, dans un cadre adapté au handicap. L’autre accueille temporairement des étudiants ou jeunes travailleurs déficients visuels venus en général de province.

 

Jelly, 80 ans, et Huguette, 87 ans, ont accepté de nous raconter leur expérience aussi bien sur leur arrivée, que leur quotidien au sein de cette résidence autonomie.

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Légende : Huguette et Jelly

  • Bonjour à toutes les deux.  Pouvez-vous nous raconter les circonstances de votre arrivée dans notre résidence autonomie ?

Jelly : j’habitais seule à la Rochelle, entourée de beaucoup d’amis et très investie dans la vie associative comme bénévole, notamment au comité Valentin Haüy des Charentes Maritimes. Malvoyante à cause d’un glaucome mal soigné, veuve, je commençais à avoir des difficultés à me débrouiller seule et ne me sentais plus en sécurité chez moi. Lorsque j’ai découvert l’existence de cette résidence, j’ai pris contact par téléphone afin d’avoir des informations. Dès ce premier contact téléphonique, j’ai été rassurée par la sympathie de mon interlocutrice.
J’ai fait deux séjours d’une semaine chacun afin de m’assurer que je m’intégrerais bien et serais heureuse de m’y installer, puis  j’ai emménagé le 1er septembre 2017.

Huguette : j’étais dans les Vosges, j’habitais seule dans un bel appartement car je suis veuve. Je suis touchée par la DMLA alors, même si  je peux encore me déplacer toute seule et faire mes courses,  aujourd’hui je ne peux plus lire, écrire parce que je ne vois pas assez…
C’est par une amie qui est aussi atteinte par la DMLA que j’ai connu l’existence de cette résidence. Nous devions y aller ensemble. Finalement elle est restée dans son pavillon malgré sa DMLA et moi après quinze jours d’essai à la résidence j’ai fait le choix d’y venir et me suis installée le 31 avril 2016. J’habite, comme tous les autres résidents, dans un studio d’une trentaine de mètre carrés qui nous permet d’être autonomes.
 

  • Quelles sont vos activités au sein de la résidence ?

Jelly : Quand j’étais en « période d’essai » pourrait-on dire, j’ai joué le jeu en participant aux différentes activités proposées ici. J’ai constaté qu’il y avait une très bonne ambiance. Je suis venue à l’animation des mots croisés que l’on fait oralement – il faut se projeter dans l’espace, imaginer les mots et les accorder. Dans le même esprit il y a une activité « questions pour des champions », c’est très gai. Je les continue d’ailleurs. Je participe aussi à des cours de gymnastique douce.
À la résidence, il y a des concerts qui sont organisés avec de très bons musiciens et nous avons la possibilité d’aller écouter de très bons concerts au conservatoire National Supérieur de Musique, près de la Villette, accompagnés par des bénévoles de l’association.
Une fois par mois, la résidence organise des conférences variées.
Des cours de cuisine sont proposés avec les jeunes travailleurs handicapés visuels qui sont dans la résidence à côté de la nôtre. De temps en temps le soir, un spectacle est organisé par ces jeunes,  qui réalisent des sketchs,  de l’impro ou chant. C’est très bien fait et c’est un mélange intergénérationnel dynamique !

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Légende : Un concert au centre résidentiel

Huguette : Plus jeune, j’étais souvent dehors pour des activités sportives. J’étais une grande cycliste, ancienne championne de France sur piste. Avec mon mari nous allions aussi danser les week-ends. J’aime être à l’extérieur mais mon âge ne me permet plus de faire beaucoup de chose.

Tous les lundis et vendredis matin, je fais de la gymnastique douce au sein de la résidence.

La plupart des activités proposées ne me conviennent pas tout à fait car je ne suis pas une joueuse et j’ai un caractère très indépendant. J’ai toujours été comme cela. Je ne suis pas frustrée car j’aime rester seule. J’ai des amis mais je reste assez solitaire. Nous allons faire un tour quand il fait beau, profitons de la terrasse de la résidence ...
 

  • Comment se passe la vie en communauté à la résidence ?

Jelly : J’ai  trouvé une attitude générale très agréable, protectrice, liée au handicap. L’aide est spontanée, tout en gardant une distance respectueuse. Les personnes qui voient un peu mieux que les autres aident les plus déficients visuels. Il y a un esprit particulier à l’association Valentin Haüy que j’apprécie beaucoup.

Les lieux de vie communs sont très agréables : une grande salle à manger ; une salle polyvalente pour des conférences, des concerts, les cours de gymnastique ; un salon dans lequel nous pouvons avoir des réunions de 15 à 20 personnes ; une cafétéria dans laquelle on peut aller dans la journée, pour recevoir la famille ou s’y installer pour lire ; une terrasse avec jardin avec beaucoup de plantations et une salle de lecture avec du matériel adapté (des agrandisseurs d’écran, des lecteurs à synthèse vocale, une bibliothèque avec des cd audio, des ordinateurs).

Il y a un restaurant où l’on peut déjeuner et dîner. Chacun fait son choix sur un menu proposé avec diverses possibilités. Je déjeune avec des amis et le soir je préfère diner chez moi, j’ai une cuisine très bien équipée et je fais mon petit déjeuner moi-même.

Huguette : Je vais au restaurant de la résidence le midi car le soir je grignote chez moi. Le week-end je reste chez moi. De temps en temps, je vais manger une glace à la cafétéria et quand il fait beau on va sur la terrasse derrière. Le samedi à partir du mois de juillet on peut manger dehors et on se retrouve parfois à une dizaine pour déjeuner.

Tout le personnel de la résidence est attentionné et agréable. La directrice est charmante.

Les derniers mardis de chaque mois, nous fêtons les anniversaires du moi, je n’en loupe pas un ! C’est formidable, il y a une bonne ambiance, on se retrouve autour d’un gâteau, on chante…

Il y a aussi des soirées dansantes régulièrement, au début j’y allais mais maintenant cela me fatigue trop et cela me fait mal au cœur de voir les autres danser et pas moi. 

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Légende : Huguette cuisine dans son appartement.

  • Comment se tissent les liens sociaux au sein de la résidence ?

Jelly : Je me suis fait de nouveaux amis à la résidence mais aussi à l’extérieur comme par exemple au comité Valentin Haüy d’ Île- de- France qui se trouve rue Jacquier, dans le 14e arrondissement de Paris. Je vais avec eux faire des randonnées, des visites culturelles. Le réseau social se situe aussi dans le quartier, un arrondissement que je ne connaissais pas, mais avec des commerçants prêts à aider. Ils assurent la livraison, nous aident à trouver différents articles, à aller jusqu’à la caisse.

Huguette : J’ai fait mon petit choix dans mes relations sociales car je suis une solitaire.

 

  • L’autonomie occupe une place importante à l’association Valentin Haüy, comment la ressentez-vous à la résidence ?

Jelly :   Dès notre arrivée à la résidence, les équipes font en sorte que notre vie continue dans la plus grande autonomie possible.
J’essaie de garder mon autonomie, de garder mes moyens. J’ai demandé des cours de locomotion, pour apprendre certaines techniques appropriées pour découvrir le quartier et prévenir des endroits lus compliqués.

Huguette : Je suis contente d’être ici car on est vraiment en sécurité. Je reste le plus autonome possible car je n’aime pas demander de l’aide néanmoins, aujourd’hui il y a beaucoup de choses que je ne peux plus faire. Je fais mes courses moi-même et préfère laisser la place d’un accompagnateur à ceux qui en ont vraiment besoin.

 

  • Comment les équipes vous accompagnent pour vous sentir épanouies, autonomes et en sécurité ?  

Jelly :   Chaque personne occupe un studio dans lequel nous pouvons être complètement autonomes. Nous devons seulement prévenir si nous partons plusieurs jours afin que personne ne s’inquiète.
Trois sonnettes d’urgence sont installées dans le studio, dans des endroits stratégiques (entrée, salle de bain et près de la cuisine).

L’équipe de direction m’a beaucoup aide au départ notamment car il y a énormément d’administration à faire. Nous sommes aussi accompagné par l’assistante sociale qui vient tous les 15 jours, qui m’a aidé en remplir les formulaires de demande comme les taxis PAM, transferts de dossiers d’impôts, beaucoup de choses à mettre en place qui prennent du temps.  

Un ergothérapeute nous montre les différents types de matériel pour la lecture, nous procure des plans du quartier agrandis pour que je me retrouve ou des plans de métro agrandis avec repères. Des moyens donnés selon les besoins de chacun et nos demandes.

Malgré le handicap et les difficultés de chacun, il y a une gaieté touchante. C’est aussi grâce aux  bénévoles qui s’investissent, cela participe énormément à notre bien-être.

Huguette : J’aime être ici car je m’y sens en sécurité. J’ai mes habitudes même si parfois mon studio me semble petit par rapport à ma vie d’avant. On est bien entouré.

L’année dernière, un samedi dans la nuit je me sentais mal et j’ai appelé sur l’alarme du gardien. Dès qu’il est arrivé, et il a appelé de suite le SAMU.  J’ai eu une pneumonie virale foudroyante. Je peux dire qu’il m’a sauvé la vie. Nous sommes très entourées, c’est très sécurisant.

Je trouve dommage qu’il n’y a pas plus d’établissement comme celle-ci en France. Pour les aveugles il n’y a qu’ici et l’accompagnement est excellent.

 

Merci Jelly et Huguette de nous avoir accordé de votre temps afin de partager avec nous votre expérience comme résidentes

 

Informations et renseignements 

Direction : Laurence Sisman 

Centre Résidentiel Valentin Haüy

64 rue Petit – 75019 Paris

Tél. : 01 53 38 55 65 - Fax : 01 53 38 55 60

Email : residences@avh.asso.fr

Site Internet : www.residences-services-valentin-hauy.com

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Photo de Christèle et Stéphane en train de travailler dans l'atelier

Atteinte d’un glaucome congénital, Christèle travaille à l’Ésat Odette Witkowska de l’association Valentin Haüy depuis 21 ans. Stéphane, moniteur d’atelier en milieu protégé, accompagne Christèle et d’autre travailleurs handicapés dans leurs tâches au quotidien.  Ils nous racontent leurs parcours et leurs métiers.