Publié le 6 mars 2025

Erreur numéro 1 : les services existants au 28 juin 2025 auraient jusqu’au 28 juin 2030 pour se mettre en conformité 

Il est important de revenir aux dispositions précises de l’article 16 de la loi no 2023-171 du 9 mars 2023 :

« VIII.-A.-Sans préjudice des B à E du présent VIII, le présent article est applicable aux produits mis sur le marché et aux services fournis après le 28 juin 2025, à l'exception du 1° du II et du VI, qui s'appliquent le lendemain du jour de la publication de la présente loi.
B.-Les prestataires de services peuvent, jusqu'au 28 juin 2030, continuer à fournir leurs services en utilisant des produits qu'ils utilisaient légalement pour fournir des services similaires avant cette date.
C.-Les contrats de services conclus avant le 28 juin 2025 peuvent s'appliquer sans modification jusqu'à leur terme, et au plus tard jusqu'au 28 juin 2030 »

La loi ne parle pas des services CRÉÉS après le 28 juin 2025, mais des services FOURNIS après le 28 juin 2025. Donc, pour l’essentiel des services, l’accessibilité doit être au rendez-vous dès le 29 juin 2025, même si ces services existaient avant. L’exception « Les contrats de services conclus avant le 28 juin 2025 peuvent s'appliquer sans modification jusqu'à leur terme, et au plus tard jusqu'au 28 juin 2030 » ne concerne qu’un petit nombre de cas, par exemple un particulier qui signe un contrat de service avec sa banque le 1er avril 2025. Mais pour un particulier signant le 1er juillet 2025, cette exception ne s’applique pas. Sauf à ce que, de manière surprenante, les banques décident de ne plus recruter de nouveaux clients particuliers jusqu’au 28 juin 2030, elles doivent donc rendre leurs services accessibles dès le 29 juin 2025.

Même chose pour le commerce électronique : en général le contrat se forme lors de la validation de la commande. Donc les sites de e-commerce qui existaient avant le 28 juin 2025 devront être accessibles dès le 29 juin 2025.

La loi indique également « Les prestataires de services peuvent, jusqu'au 28 juin 2030, continuer à fournir leurs services en utilisant des produits qu'ils utilisaient légalement pour fournir des services similaires avant cette date » 

Cette disposition de la loi ne concerne que les services dont la fourniture nécessite l’utilisation d’un produit, par exemple une box Internet pour accéder à des services de médias audiovisuels.

Certains arguent qu’un site ou une application mobile de e-commerce serait un produit, ce qui permettrait de reporter au 29 juin 2030 sa mise en accessibilité.
Cette approche ne résiste guère à l’examen des textes.
En effet, un produit est défini ainsi « une substance, une préparation ou une marchandise produite par un procédé de fabrication, […] »
Il ne paraît pas possible de prétendre qu’un site ou une application mobile de e-commerce serait « une substance, une préparation ou une marchandise produite par un procédé de fabrication ».
On observe d’ailleurs que l’article 47 de la loi du 11 février 2005 mentionne explicitement que les sites Internet et les applications mobiles font partie des services [de communication au public en ligne].

Erreur numéro 2 : le RGAA s’impose à toutes les entreprises de plus de 10 salariés ou plus de 2 M€ de chiffre d’affaires

Certains indiquent « dès juin 2025, les obligations du RGAA s’étendront au secteur privé. Les entreprises de plus de 10 salariés, avec un chiffre d’affaires annuel supérieur à 2 millions d’euros, seront tenues de rendre leurs sites web et applications mobiles conformes aux critères d’accessibilité ».

Cette affirmation est doublement erronée :

  1. Les obligations d’accessibilité qui entrent en vigueur en juin 2025 ne concernent que certaines catégories de produits (ordinateurs, tablettes, smartphones, guichets de banque automatique, distributeurs automatiques de titres de transport, box Internet ou télévision, liseuses numériques) et certaines catégories de services (commerce électronique, services bancaires aux consommateurs, services de communications électroniques, accès à des services de médias audiovisuels, divers éléments des services de transport de personnes). Une entreprise de 50 M€ de chiffre d’affaires qui n’exerce des activités dans aucun de ces domaines n’est soumise à aucune obligation légale en la matière, même si ses efforts dans ce domaine seront les bienvenus.
  2. Le RGAA est un texte d’application de la loi de 2005 qui ne concerne que les organismes publics et les entreprises privées réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 M€. Les entreprises privées de moins de 250 M€ de chiffre d’affaires ne sont pas soumises aux obligations déclaratives du RGAA (mention accessibilité en page d’accueil, déclaration d’accessibilité, schéma pluriannuel de mise en accessibilité).
    En revanche, sans en avoir l’obligation, ces entreprises privées peuvent tout à fait utiliser la partie « méthode technique » du RGAA pour évaluer la conformité de leurs sites.

Erreur numéro 3 : les entreprises peuvent se voir infliger une sanction de 50 000 €

La sanction de 50 000 € instaurée en septembre 2023 par l’article 47-1 de la loi du 11 février 2005 ne concerne que les organismes publics. Elle ne concerne malheureusement pas les entreprises de plus de 250 M€ de chiffre d’affaires.

En revanche, pour les entreprises qui entrent dans le champ d’application des nouvelles obligations d’accessibilité liées à certains produits et à certains services, des sanctions spécifiques sont prévues.

Erreur numéro 4 : mauvaise interprétation des seuils

Certains indiquent que « la directive européenne étend les obligations d’accessibilité à certaines catégories d’entreprises de PLUS DE 10 salariés ET générant 2M€ de CA », 

Il s’agit là d’une mauvaise lecture de l’article 16 de la loi du 9 mars 2023 qui indique « Les entreprises employant moins de dix personnes qui fournissent des services et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas deux millions d'euros ou dont le total du bilan n'excède pas deux millions d'euros sont dispensées des exigences d'accessibilité mentionnées au présent article et de toutes les obligations qui y sont liées. »
Donc, une entreprise fournissant des services visés par la directive et comptant dix salariés sera soumise aux obligations d’accessibilité, même si son chiffre d’affaires n’est que de 1,6 M€.
De la même manière une entreprise réalisant un chiffre d’affaires de 2,1 M€ sera également soumise aux obligations même si elle ne compte que cinq salariés.
Ces seuils ne concernent que les activités de services, pas les activités liées aux produits. Une entreprise de cinq salariés et réalisant un chiffre d’affaires de 1,4 M€ en vendant des smartphones et des tablettes sera soumise aux obligations d’accessibilité liées aux produits.

Pour plus d’informations sur le cadre juridique, lire la page Textes juridiques relatifs à l’accessibilité numérique.

Auteur : Christian VOLLE

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