Au moment de la mise en ligne de cette rubrique (décembre 2023), nous sommes à dix-huit mois de cette échéance cruciale.

Force est de constater que la plupart des acteurs concernés sont dans un état d’inquiétante impréparation.

Fournisseurs de produits – prestataires de services

Compte tenu du seuil de deux millions d’euros au-dessus duquel les opérateurs économiques sont tenus d’appliquer la réglementation relative à l’accessibilité des produits et des services, c’est un nombre considérable d’entreprises qui sont concernées.

Parmi elles, celles qui réalisent un chiffre d’affaires annuel de plus de 250 M€, ainsi que les entreprises délégataires de service public, étaient déjà tenues, depuis septembre 2020, de respecter les réglementation relative à l’accessibilité de leurs « services de communication au public en ligne », essentiellement leurs sites Internet, leurs applications mobiles et leurs publications sur les réseaux sociaux.

Cette réglementation prévoit deux types d’obligations :

  • d’une part, assurer la pleine accessibilité de leurs contenus numériques en se conformant aux critères techniques du Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA) ;
  • d’autre part, respecter diverses obligations déclaratives définies par ce même RGAA (schéma pluriannuel de mise en accessibilité, mention relative à l’accessibilité en page d’accueil, déclaration d’accessibilité pour chaque site ou application).

Le constat est que, parmi toutes ces grandes, parfois très grandes, entreprises, aucune ne respecte intégralement la réglementation en vigueur depuis septembre 2020 (et connue dès septembre 2019) :

C’est vrai :

  • des entreprises qui ont des activités de commerce électronique (commerçants en ligne « classiques », opérateurs télécoms, assurances…) ;
  • des banques ;
  • des entreprises de transport ;
  • des prestataires proposant des services fournissant un accès à des services de médias audiovisuels.

Prestataires informatiques

Dans le domaine des services, en particulier dans celui du commerce électronique, les prestataires sont grandement dépendants de leurs solutions informatiques qu’elles soient fondées sur des progiciels ou des développements spécifiques. Or, à ce jour, trop peu de professionnels de l’informatique et du Web ont été formés à l’accessibilité numérique ; dans de trop nombreux cas encore, ils ignorent même l’existence de la problématique.

Certains éditeurs de solutions de e-commerce commencent à afficher sur leur site des recommandations liées à l’accessibilité, mais quand on voit le niveau actuel d’accessibilité de la plupart des grands sites marchands, on mesure l’importance du chemin qui reste à parcourir.

Autorités de contrôle

Les autorités de contrôle ne respectent pas l’article 47 de la loi de 2005

Pour être pleinement crédibles en matière de contrôle du respect des règles relatives à l’accessibilité des produits et des services, il est souhaitable que les diverses autorités de contrôle soient elles-mêmes exemplaires en ce qui concerne l’accessibilité de leurs propres services de communication au public en ligne. Fin 2023, alors que ces organismes publics devraient proposer des contenus accessibles depuis mai 2011 et respecter leurs obligations déclaratives depuis septembre 2020, on constate que toutes des autorités de contrôle sont encore loin du compte, même si des actions de mise en conformité sont en cours.

DGCCRF (au 15/12/2023)

  • mention en page d’accueil : OUI (« Accessibilité : partiellement conforme »)
  • déclaration d’accessibilité : OUI (pour l'ensemble du ministère de l’économie)
  • contenus numériques totalement accessibles : NON (taux de conformité 66 %)
  • schéma pluriannuel de mise en accessibilité : OUI, mais contenu léger et pas de plan 2023
  • accessibilité des tweets : OUI

 

Arcom (au 15/12/2023)

  • mention en page d’accueil : OUI (« Accessibilité : partiellement conforme »)
  • déclaration d’accessibilité : OUI
  • contenus numériques totalement accessibles : NON (taux de conformité 50,77 %)
  • schéma pluriannuel de mise en accessibilité : OUI (2023-2025, mais l’Arcom n’a été créée qu’en 2022) – pas de planification précise des ressources – publications sur les réseaux sociaux non prises en compte - le schéma lui-même n’est pas un document accessible
  • accessibilité des tweets : NON

 

Arcep (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) (au 15/12/2023)

  • mention en page d’accueil : NON
  • déclaration d’accessibilité : NON CONFORME (réalisée sur la base du RGAA 3)
  • contenus numériques totalement accessibles : NON
  • schéma pluriannuel de mise en accessibilité NON
  • accessibilité des tweets : NON

 

ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) (au 15/12/2023)

  • mention en page d’accueil : NON
  • déclaration d’accessibilité : NON  
  • contenus numériques totalement accessibles : NON
  • schéma pluriannuel de mise en accessibilité NON
  • accessibilité des tweets : NON

 

AMF (Autorité des marchés financiers) (au 15/12/2023)

  • mention en page d’accueil : OUI (« Accessibilité : partiellement conforme »)
  • déclaration d’accessibilité : OUI
  • contenus numériques totalement accessibles : NON (taux de conformité 95 %)
  • schéma pluriannuel de mise en accessibilité NON
  • accessibilité des tweets : NON

 

Banque de France (au 15/12/2023)

  • mention en page d’accueil : OUI (« Accessibilité : partiellement conforme »)
  • déclaration d’accessibilité : OUI
  • contenus numériques totalement accessibles : NON (taux de conformité 52,08 %)
  • schéma pluriannuel de mise en accessibilité : OUI – essentiellement des copier-coller de textes officiels – pas de planification de la mise en accessibilité – pas de quantification des moyens
  • accessibilité des tweets : NON

Les autorités de contrôle disposeront-elles des moyens nécessaires à leurs missions ?

Il est permis d’espérer que, dans le courant de 2024, les autorités de contrôle vont rendre leurs services de communication au public en ligne pleinement conformes à la réglementation.

En revanche, il est nécessaire de s’interroger sur le fait de savoir si ces autorités de contrôle disposeront réellement des moyens, notamment humains, pour l’exercice de leurs missions relatives à l’accessibilité des produits et des services. En effet, le nombre d’entreprises concernées est considérable et la plupart d’entre elles ne sont même pas conscientes de l’existence même de la problématique de l’accessibilité numérique.

Une insuffisance des moyens alloués aux autorités de contrôle risquerait fort de conduire, pour l’accessibilité des produits et des services au même échec que celui constaté pour l’accessibilité des sites Internet des organismes publics : pour ceux-ci près de douze ans après l’échéance de mai 2012 fixée par la loi de 2005 et le décret de 2009, l’accessibilité n’est toujours pas au rendez-vous.

Pouvoirs publics

Il a déjà été signalé que, en application de l’article 31 de la directive,  la France aurait dû avoir publié tous les textes législatifs et réglementaires relatifs à l’accessibilité des produits et des services au plus tard le 28 juin 2022.

Or le décret et l’arrêté n’ont été publiés qu’en octobre 2023, soit avec un retard considérable de quinze mois.

La date d’application étant fixée au 29 juin 2025, ce retard a pour conséquence un raccourcissement notable du délai d’adaptation des acteurs concernés (entreprises, autorités de contrôle…).

Alors même que ceux-ci sont déjà peu sensibilisés à la problématique de l’accessibilité numérique, fin 2023, les pouvoirs publics n’avaient entrepris aucune campagne d’information d’envergure incitant les nombreux acteurs à se mettre en ordre de bataille.

La poursuite de cette passivité ne pourrait que conduire à manquer l’important rendez-vous de la fin juin 2025 et à laisser les personnes handicapées confrontées à de nombreux problèmes d’accessibilité.

 

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