Marine, étudiante, nous raconte son parcours.

Marine nous raconte son histoire et son arrivée comme étudiante en masso-kinésithérapie au Centre de Formation et de Rééducation Professionnelle (CFRP) de l’association Valentin Haüy. Un nouveau départ professionnel pour une jeune femme battante et heureuse de vivre.

 

Marine, étudiante au CFRP

Marine, étudiante en Année Spécialisée au CFRP de l'association Valentin Haüy.

 

Bonjour, atteinte d’un glaucome depuis ma naissance, je suis arrivée à l’association en 2017 pour entamer une formation de Masso-kinésithérapie. Je suis actuellement en année préparatoire.
Je suis opticienne de formation, diplômée en 2000, spécialisée dans la basse vision. J’ai tenu un magasin d’optique de 2005 à 2017, dans le Var à Saint-Raphaël. Petite, je souhaitais être soit opticienne basse vision du fait d’une famille de déficients visuels (ma grand-mère, mon arrière-grand-mère, ma sœur et moi) soit kinésithérapeute. J’aurais finalement réussi à faire les deux !

En effet, je ne pouvais plus continuer mon métier d’opticienne, chaque jour j’avais une crise d’angoisse. Je faisais « semblant » toute la journée de bien voir, sauf avec certains clients qui connaissaient mes problématiques de déficience visuelle. Certaines tâches comme mettre des petites vis sur des lunettes, je devais les faire le soir, cachée, quand le magasin était fermé sinon les clients auraient pu penser que je n’étais pas professionnelle. Les trois dernières années, j’ai eu une aide de la Maison départementale des personnes handicapées (mdph) pour financer l’embauche d’un salarié mais cela n’était pas suffisant malheureusement.

Face à une situation aussi ubuesque, il y avait toujours des solutions mais malgré une grande capacité d’adaptation acquise avec les années je ne pouvais plus continuer de jouer un rôle de voyante, je ne supportais plus cette forme d’imposture envers les autres et moi-même…

J’ai donc recherché un moyen de me former à un métier intéressant qui prenait en compte ma déficience visuelle et c’est ainsi que j’ai découvert l’association Valentin Haüy et la formation de kinésithérapeute proposée au CFRP.

  • Vous parlez d’une grande capacité d’adaptation et le fait de « faire semblant ». Pouvez-vous nous dire pourquoi vous avez eu besoin de faire semblant et en quoi vous avez développé cette adaptabilité ?

Ma grand-mère maternelle était non-voyante comme sa mère et j’ai toujours eu l’impression que ma mère ne savait pas comment se situer... Elle a eu aussi beaucoup de mal à accepter mon handicap. Elle ne voulait pas l’accepter probablement… En tous cas, il y avait un réel tabou.

Nous sommes trois sœurs et deux d’entre nous ont été aussi touchées par la déficience visuelle. J’ai un glaucome qui s’est déclaré en fait assez tôt, dès la naissance, c’est une dégénérescence congénitale. Cela a été officialisé vers mes 18 ans alors que j’avais de très grosses migraines et des tensions très fortes dans les yeux. L’ophtalmologue qui me suivait depuis mon enfance devait le savoir et je me souviens de ma mère qui semblait crispée quand petite je ne pouvais pas lire les lettres de loin.

Je suis atteinte d’un glaucome bilatéral et d’un faux trou maculaire, j’ai 1/10e à l’œil gauche depuis la naissance mais on m’a donc peu accompagnée…
En fait je n’ai jamais trop su avant mes  18 ans que j’étais atteinte du glaucome. Je faisais du tennis alors que je ne voyais pas le relief, je pratiquais la danse sans avoir un bon équilibre, ou encore de l’équitation. Sans le savoir, j’ai trouvé des moyens pour adapter ma vue, j’avais d’autres repères comme les ombres par exemple.

En revanche il y a des situations plus difficiles notamment quand tu es perdue à l’aéroport, c’est l’horreur. Heureusement, j’ai développé une  perception forte, je m’imagine ce que je dois voir…Mais dans un aéroport, sans marquage, on est dans une bulle, éblouie, immergée dans une autre dimension, c’est étrange…
 

  • Comment avez-vous été soignée pour le glaucome ?

J’ai eu d’ailleurs beaucoup de chance. J’ai subi des opérations qui m’ont permis de garder la vue d’abord une sclérectomie profonde (j’ai failli perdre l’œil car l’opération n’a pas réussi en 2 000) puis une trabéculectomie (on enlève le trabéculum) en 2005 parce que j’avais des grandes tensions dans l’œil qui m’appuyait sur le nerf optique et assombrissait tout.

J’ai rencontré un éminent Professeur à Nantes qui fait des travaux  de recherche avec le Canada et a obtenu une bourse de recherche pour travailler sur le glaucome juvénile. Ce magicien des yeux m’a opéré 13 fois en 11 mois (toutes les 3 semaines 2005/2006). Entre deux opérations, je ne voyais plus…

Depuis, ma tension oculaire est stable comme mon acuité. Normalement il n’y a pas de régression possible et si je ne suis pas trop fatiguée et qu’il n’y a pas trop de vent, je réussis encore à voir un tout petit peu : 1/20e à l’œil gauche et 1/20e à l’œil droit.

Ce n’est pas beaucoup mais je m’en sors ! Et puis j’ai une grande imagination et je tombe avec grande élégance : tout est dans la chute et dans la réception, il faut avoir un éclat de rire dans la poche et savoir se relever ! Je connais bien le dépassement de soi, de par mon histoire personnelle et  en observant ma grand-mère. J’ai toujours fais en sorte de faire le plus de choses en autonomie, de ne pas rester dans des zones de confort.
 

  • Vous avez choisi de vous former à un nouveau métier, pourquoi avoir choisi une formation à l’association Valentin Haüy ?

Au départ, j’avais peur de venir à l’association, peur d’un côté « ghetto », dans le sens où je m’imaginais tous les aveugles ensembles au même endroit, coupés des autres. Il y a une forme d’acceptation du handicap en intégrant l’association.  Et passer 5 ans de formation avec seulement des déficients visuels me faisait donc un peu peur. Peur aussi d’un aspect trop scolaire dans le cursus, qu’on me mâche trop le travail, moi qui me suis toujours débrouillée seule.
J’ai toujours été autonome et indépendante. Et puis cela me coûtait de revenir à Paris après une vie dans le sud, mais ma sœur est là et c’est un ancrage important.

Je souhaitais plus qu’une formation lorsque j’ai regardé les possibilités de reprise d’études. Il me fallait un cursus « tout compris » : une formation diplômante, l’encadrement qu’il faut, et même la peur de ce « ghetto » c’est ce qu’il me fallait ….La directrice de formation au CFRP est une merveille parmi les merveilles. C’est une des personnes avec ce Professeur à Nantes qui m’ont sauvé la vie. Elle a des mots forts : « tu as ta place ici » « On va trouver des solutions, de quoi as-tu besoin ? » Nous sommes très bien entourés à l’association.
 

  • Les démarches sont-elles faciles pour intégrer une formation ?

Chaque cas est singulier en fonction de l’âge, du cursus scolaire, de la profession exercée avant d’intégrer le CFRP, de son statut reconnu comme handicapé…Actuellement d’un point de vue administratif c’est un peu compliqué mais heureusement l’association Valentin Haüy m’aide et comprend mes difficultés. Étant une ancienne commerçante, les démarches sont plus complexes mais j’ai beaucoup de chance que l’association Valentin Haüy soit clémente pour m’aider à continuer mes études.
 

  • Comment se passent les cours à l’association Valentin Haüy ?  Quels sont vos ressentis positifs mais aussi les difficultés auxquelles vous avez été confrontée ?

Les cours sont merveilleux ! Je finis ma première Année Spécialisée par une validation de la CAC (Commission admission concours). Si je suis retenue après mes examens, je rentrerai donc en première année de formation masso-kinésithérapeute.

Je rentre à Saint-Raphaël pour un stage de 15 jours dans un cabinet de rééducation que je connais bien.
Je dois aussi réviser les rattrapages pour certaines matières. Nous aurons nos résultats le 15 juillet, mais pour beaucoup, nos partiels étant notés en contrôle continu, je sais que j’ai une matière à rattraper pour le premier semestre.

C’était une année scolaire compliquée car je gérais toutes les démarches dues à mon changement de vie.

L’implication pour les cours doit être importante si nous voulons réussir, le niveau est élevé.
La formation est exceptionnelle et si au départ j’avais peur de ne voir que des déficients visuels (je ne savais pas en quoi réellement) et bien finalement c’est un confort génial ! Certes il y a un côté très scolaire qui parfois m’ennuie…. Quand tu as 42 ans et que tu t’es toujours débrouillée, c’est parfois difficile de reprendre « un moule » qui n’est plus le tien depuis longtemps.

Mais ce qui est formidable c’est que nous sommes acceptés dans notre réalité de déficient visuel et puis il y a une mixité des âges.
 

  • Êtes-vous heureuse de cette perspective professionnelle ?

C’est en totale cohérence avec ce que je voulais faire !
Jeune,  j’hésitais en terminale entre kiné et optique. Clairement, je voulais travailler en basse vision. Ce qui me plaisait avec la kiné (et encore aujourd’hui), en tant que grande sportive, c’est que c’est un métier palpable, qui a un sens, en rapport avec l’humain, la santé. C’est presque une chance ce qui s’est passé parce que mon métier d’opticienne a aujourd’hui complètement changé, il a évolué vers une logique ultra commerciale et cela me plaisait de moins en moins.  Maintenant, je reviens vers un métier plus en adéquation avec mon affinité avec le monde de la santé !

Merci Marine d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et de nous avoir fait part de votre histoire.

 

CONTACT CFRP
Centre de Formation et de Rééducation Professionnelle
5 Rue Duroc - 75343 - Paris Cedex 07
Tél. : 01 44 49 27 27 - Fax : 01 44 49 27 30
Email : contact@cfrp-avh.fr

 

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C’est la semaine mondiale du glaucome. À cette occasion, découvrez les témoignages de résidents de la Résidence Autonomie de l’association Valentin Haüy (Paris 19e) atteints de cette maladie dégénérative de l’œil,  une affection encore trop méconnue du grand public qui touche au moins un million de personnes en France.

Depuis quelques mois, cinq nouveaux bénévoles se sont engagés au Musée Valentin Haüy pour permettre à cet écrin historique unique au monde de s’ouvrir à nouveau régulièrement au grand public. Rencontre avec Martine, étudiante en histoire de l'art et bénévole enthousiaste au Musée !

 

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